Le commissaire à la retraite Norman Inkster explique ce que signifie pour lui faire partie de la communauté qu’on sert.
Par Meagan Massad
5 mai 2024
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Norman David Inkster a été le 18e commissaire de la GRC, de 1987 à 1994, point d'orgue d'une carrière de près de quatre décennies. On dit qu'il a « changé le visage » de l'organisation en œuvrant pour que tous les Canadiens, quels que soient leur sexe ou leur origine ethnique, puissent faire carrière à la GRC. Dans ce premier entretien de notre série consacrée aux anciens commissaires de la GRC, Meagan Massad, rédactrice à la Gazette, a recueilli les souvenirs de M. Inkster sur son travail dans les petites communautés.
- Qu'est-ce qui vous a attiré dans la Gendarmerie?
- J'avais cinq ans lorsqu'un film sur le Carrousel de la GRC a été projeté à l'école. Les chevaux avaient plutôt l'air intimidants, mais les cavaliers impeccables dans leur tunique rouge m'ont subjugué. Je suis tombé sous le charme et ça a finalement duré toute ma vie.
- Quand êtes-vous entré à la GRC et combien de temps y êtes-vous resté?
- J'ai prêté serment le 15 avril 1957 et j'ai pris ma retraite en juin 1994, ce qui fait 37 années au total. Quand le premier ministre Mulroney m'a nommé commissaire en 1987, je pensais rester cinq ans à ce poste, mais lorsque les Libéraux ont succédé aux Conservateurs, on m'a demandé de rester quelques années de plus pour faciliter la transition. Mon mandat a donc duré sept ans.
- Souhaitez-vous partager une anecdote ou un souvenir particulier?
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J'accompagnais le gouverneur général du Canada à Cambridge Bay au Nunavut pour souligner la traversée de la goélette St. Roch, et cela coïncidait avec mon anniversaire.
J'avais entendu dire que des sculptures en bois étaient réalisées près du gymnase local, alors on y est allés avec des collègues. Trois adolescents mangeaient tranquillement des cornets de glace à l'extérieur du bâtiment. En nous voyant arriver, l'un d'eux m'a lancé candidement : « Vous êtes en service? On m'a volé mon vélo et j'aimerais bien le récupérer. » Je me suis dit que dans cette petite ville de 300 habitants, nous pourrions probablement l'aider à retrouver son vélo. J'ai donc demandé l'aide du détachement local et, comme de raison, le vélo a été retrouvé et rendu au jeune homme.
- Qu'avez-vous le plus aimé de votre travail à la GRC?
- Le sens du collectif. C'est la perspective de faire partie d'une grande équipe qui attire les gens. On sent qu'on peut compter les uns sur les autres. Lorsque j'étais en poste au Nouveau-Brunswick, ma mère est décédée subitement chez nous en Saskatchewan. Mon père était psychiquement souffrant et buvait dans une chambre d'hôtel au moment où ma mère est morte. Je m'inquiétais pour lui, mais je ne savais pas quoi faire vu la distance qui nous séparait. J'ai donc téléphoné au Détachement de la GRC à Broadview (Saskatchewan) et j'ai expliqué la situation à un jeune membre qui m'a promis de s'en occuper. Et il m'a rappelé le lendemain pour me dire qu'il était allé chez nous pour s'assurer que mes frères allaient bien et à l'hôtel pour vérifier que mon père était en sécurité et qu'on prenait soin de lui. Ça m'a beaucoup rassuré.
- Avez-vous pu rencontrer ce membre?
- Oui, des années plus tard, alors que j'étais commissaire, il s'est présenté à moi. Hélas, ça fait longtemps et son nom m'échappe, mais je n'oublierai jamais sa sollicitude
- Est-il vrai que vous aviez une devise?
- Oui, à l'époque où j'étais commissaire, j'insistais beaucoup sur la police communautaire. Ma devise m'a été inspirée par la fameuse phrase de Sir Robert Peel « la police est le public et le public est la police ». C'est particulièrement important dans un pays comme le Canada, qui compte d'innombrables communautés rurales; les gens doivent aider quand ils le peuvent. Et lorsque la police est ancrée dans son quartier, elle peut mieux comprendre sa communauté. C'est aussi simple que cela.
- Un dernier mot à propos de l'époque où vous travailliez à la GRC?
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La GRC fera toujours partie intégrante des communautés qu'elle sert. C'est gratifiant de voir l'empreinte qu'on peut avoir dans les petites collectivités. On fait partie du tissu social.
Lorsque j'étais gendarme à Three Hills (Alberta), le prêtre est venu me demander de mettre en scène la pièce de Noël. Je n'avais aucune expérience de la mise en scène, mais on supposait que je savais parce que j'étais un gendarme. J'ai fini par accepter la mission. Je ne sais pas si c'était réussi, mais les gens se sont levés pour applaudir donc ça ne devait pas être si mal. C'est dire à quel point cette petite communauté avait confiance en ses gendarmes. Les choses sont peut-être un peu différentes aujourd'hui, mais je pense que le métier peut être gratifiant et spécial pour peu qu'on laisse les choses advenir.