Gendarmerie royale du Canada

Débat d’experts : De quelle façon les psychologues peuvent-ils améliorer leur soutien aux policiers?

Par Travis Poland

Santé et environnement

Les psychologues peuvent accroître leur utilité en se familiarisant avec les membres, les divisions et les enjeux qui les touchent, soutient Lise Godbout, psychologue divisionnaire à Fredericton (Nouveau-Brunswick).
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28 octobre 2021

Contenu

Les psychologues de la GRC au pays effectuent des évaluations et des dépistages psychologiques, soutiennent les employés souffrant de traumatismes de stress opérationnel et aiguillent les policiers vers des professionnels en santé mentale dans leur collectivité. Ils jouent un rôle important en fournissant des services qui aident nos partenaires des forces de l’ordre à rester en santé. Nous avons demandé à cinq employés de la GRC comment les psychologues peuvent améliorer les façons de soutenir nos policiers.

Les intervenants

  • Lee Watt, gendarme – Services généraux de police, Détachement d’Inuvik (Territoires du Nord-Ouest)
  • Barbara Schmalz, Ph. D. – psychologue divisionnaire, Calgary (Alb.)
  • Lise Godbout – psychologue divisionnaire, Fredericton (Nouveau-Brunswick)
  • Sarah Wright – psychologue, Services de santé internationaux, Ottawa (Ontario)
  • Deepak Prasad, caporal – coordonnateur divisionnaire du mieux-être, Halifax (Nouvelle-Écosse)

Lee Watt, gendarme

Les psychologues ont pour rôle de nous soutenir, mais il revient aux membres d’être disposés à communiquer. La santé mentale est encore taboue et bien des gens ne reconnaissent pas la gravité de leur état, estimant qu’ils peuvent le gérer par eux-mêmes.

Je suis membre de la GRC depuis 15 ans et j’ai passé la plus grande partie de ce temps aux services généraux en Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest. Je me suis retrouvé en congé pour cause d’anxiété; mon trouble de stress post-traumatique (TSPT) s’est aggravé au point où je devais faire des exercices de respiration au moment de répondre à des demandes d’intervention sur le terrain. Mon état empirait depuis quelques mois et on m’a aiguillé vers une psychologue de la GRC en Alberta.

La psychologue m’a renvoyé à une clinique de traitement des troubles de stress opérationnel et a continué de me suivre pendant ce temps. Aujourd’hui, je suis à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, à un poste isolé, sans grand soutien; la psychologue s’est faite ma porte-parole à la clinique, et j’ai obtenu des services plus rapidement. Elle m’a aidé à établir un plan de retour au travail raisonnable et je serai supervisé dans la réintégration de mes fonctions.

Si j’avais consulté plus tôt, j’aurais vraisemblablement pu rester au travail. Les membres peuvent avoir des consultations annuelles, mais il faut un contact plus fréquent avec le psychologue afin d’établir un suivi; ainsi, les membres auront quelqu’un à qui s’adresser dans une situation difficile.

Avoir une mauvaise journée, ce n’est pas la fin du monde, mais lorsque les mauvaises journées se multiplient, cela veut dire qu’il vous faut de l’aide et que vous devriez consulter. Vous ne devriez pas vivre en état constant de dépression, de colère ou d’anxiété. Du soutien existe et nous devons y faire appel.

Deepak Prasad, caporal

En tant que coordonnateur divisionnaire du mieux-être, je consacre beaucoup de mon temps à écouter les policiers pour mieux comprendre leurs difficultés. J’essaie de renforcer leur résilience en les écoutant relater leur traumatisme passé afin de les aider à tourner la page. J’établis aussi des liens avec les cliniciens et les psychologues pour avoir un aperçu de leurs compétences; lorsqu’un membre est en difficulté, je peux l’aiguiller vers le spécialiste compétent.

Il est juste de reconnaître que les policiers sont soupçonneux de nature. Ils peuvent hésiter à consulter un clinicien et demeurent sur leur garde. Il y a beaucoup de préjugés à enrayer, surtout en ce qui concerne les traumatismes de stress opérationnel.

Quand un agent consulte un clinicien, je lui dis qu’il faut du temps pour établir une relation; cela dit, si le clinicien n’est pas rompu à la culture policière, le contact ne se fera pas. Lorsqu’un policier vient le consulter, si le clinicien n’est pas familier avec le travail policier, une autopatrouille ou un ceinturon de service, l’agent pourra être porté à éduquer plutôt qu’à consulter.

Je pense que l’idéal pour le clinicien est de comprendre le métier, de façon à établir un lien. Ce faisant, il peut favoriser la relation afin d’atténuer l’appréhension que pourra ressentir d’emblée le policier face au spécialiste.

Un autre élément déterminant est la capacité de maintenir un horaire souple. Bien des policiers travaillent par quarts et ne peuvent se rendre à un rendez-vous de 8 h à 17 h. En faisant preuve de souplesse, le clinicien pourra mieux être en mesure d’aider nos membres.

Barbara Schmalz, Ph. D.

Le psychologue à la GRC fait partie d’une équipe multidisciplinaire de la santé au travail ayant pour mandat de gérer intégralement la santé au travail des membres de la GRC. Si le rôle évolue avec le temps, le psychologue en santé au travail en général s’attarde à l’aptitude au travail, veille à sensibiliser le membre aux services en santé mentale et l’aide à y accéder; il est aussi chargé des évaluations psychologiques des candidats aux groupes spécialisés de la GRC et de la gestion des cas de retour au travail après un congé de maladie.

Un des moyens pour le psychologue de soutenir les policiers est d’essayer de déstigmatiser la santé mentale; il faut reconnaître que la santé mentale des agents est aussi importante que leur santé physique. Il est primordial pour le policier d’être en état d’intervenir et de préserver sa santé tout au long de sa carrière. Le psychologue peut rappeler aux services de police et aux membres qu’il faut veiller de façon continue à la santé mentale, et pas seulement quand la situation est critique. Je pense que si chacun adopte une approche préventive de la santé en passant des examens périodiques, en reconnaissant que son état peut parfois dégénérer et qu’il faut alors prendre des mesures en conséquence, on peut atténuer les répercussions négatives.

Démystifier la santé mentale et ne pas faire comme s’il s’agissait d’un traitement magique. Le professionnel de la santé est compétent en la matière; ce qui compte, c’est d’inciter les gens à consulter et à se rendre compte que la terre n’arrêtera pas de tourner si on recherche une aide professionnelle à qui se confier.

Lise Godbout

À la GRC, chaque division a ses particularités. Les psychologues peuvent accroître leur utilité en se familiarisant avec les membres, les divisions et les enjeux qui les touchent. Mieux nous saurons normaliser la consultation d’un psychologue chez les policiers, plus ceux-ci tireront parti des connaissances et des services psychologiques.

Par exemple, au Nouveau-Brunswick et dans quatre autres provinces, nous avons récemment lancé un programme qui offre aux policiers un processus de dépistage psychologique plus efficace afin de relever et d’aborder les facteurs de stress dans leur vie.

Le Programme de dépistage de la santé psychologique nous permet d’aborder franchement l’enjeu de la santé mentale avec le policier. Ensemble, nous examinons les éléments de stress qui se présentent au membre dans son travail et dans sa vie personnelle. Ce qui ouvre la porte à une discussion sur les moyens efficaces qu’il a déployés pour gérer le stress, et les aspects qui lui ont posé des difficultés. Nous abordons ces facteurs avec lui afin de favoriser une prise de conscience quant à son état de santé mentale et à sa résilience. Il peut alors mettre à profit les connaissances du psychologue et obtenir une rétroaction dont il tiendra compte au moment de prendre des décisions sur sa santé physique et mentale.

Le psychologue de la GRC est en mesure de renseigner le policier à divers égards, notamment sur les services internes et externes accessibles au membre et à sa famille, et de l’instruire sur différents sujets. Ainsi, avec les membres affectés aux patrouilles et au travail par quarts, nous abordons l’hygiène du sommeil, ou la façon de maintenir un cycle de sommeil sain pendant le travail par quarts; la façon d’améliorer la résilience est souvent évoquée à ce stade.

Sarah Wright

Mon rôle est particulier en ce qu’il est axé sur les policiers de la GRC et de services externes en mission à l’étranger. Je travaille aussi avec les agents de liaison et les analystes déployés à l’échelle internationale.

Dans le cadre du programme international, nous soutenons les membres en veillant à leur mieux-être et à leur santé mentale tout au long du cycle de déploiement. Nous offrons l’évaluation préalable à la mission, une séance de formation de groupe prédéploiement, un soutien en cours de mission par téléphone ou vidéoconférence, voire en personne, et une évaluation psychologique au retour de mission, laquelle permet de sensibiliser le membre aux écueils courants du retour au travail et au foyer. Nous présentons aussi aux membres et à leur famille des guides utiles pour aborder les différentes phases avant, pendant et après la mission.

Je pense que tout policier doit supporter la pression d’être un champion du stress, et la plupart des policiers le sont, mais ils n’en sont pas moins vulnérables aux séquelles d’une exposition à des événements traumatisants et à la souffrance humaine. L’effet cumulatif au fil des ans d’avoir à gérer tous les éléments stressants peut sérieusement ébranler un être et provoquer des symptômes qui semblent venus de nulle part. Je m’efforce de sensibiliser les membres à cette notion; ils doivent savoir comment réagir, le cas échéant.

Quand on se perçoit comme un champion du stress et qu’on s’attend à pouvoir tout gérer, l’émergence de symptômes peut provoquer une forte anxiété. Une des meilleures façons d’aider, à mon avis, est de bien expliquer au membre ce qui se passe dans le cerveau. La notion que, tout comme un bras soumis à une trop grande pression va casser, le cerveau aussi peut flancher lorsqu’il est assujetti à une trop grande pression. Il est très important de sensibiliser les membres à cette réalité; il s’agit de prévenir le sentiment de honte, car cela peut arriver à n’importe quelle personne en proie à un fort stress. C’est une réaction normale face à des situations exceptionnelles qu’on ne souhaite à personne.

Santé et environnement

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